La légende du cœur mangé
Au tournant des 12ème et 13ème siècles, le comte Ramon de Château-Roussillon, homme rustre, féroce et orgueilleux, régentait le comté du Roussillon.
En Salanque, où s’entremêlaient marécages et terres fertiles, s’élevaient de petites tours de guet qui prévenaient et protégeaient les populations des néfastes incursions mauresques.
Les conflits de voisinage entre riverains de l’Agly étaient alors fréquents et, afin de tenter d’en résoudre un parmi d’autres, le comte Ramon envoya son meilleur chevalier, Guillem de Cabestany, jeune troubadour élégant, aimable et vaillant. Pour mener à bien sa mission, Guillem passa par l’une des tours située entre Agly et Bourdigou, sur le territoire de Torreilles.
Dans cette tour résidait Bernat de Navata et ses deux filles : la douce Margarida et la belle Saurimonda. Les deux sœurs s’éprirent d’amour pour le séduisant chevalier, mais celui-ci n’avait d’yeux que pour la belle Saurimonda.
De retour à Château-Roussillon, sa mission achevée, Guillem fit au comte Ramon un bref récit du conflit résolu et, dans un long poème, célébra la beauté de Saurimonda.
Le comte Ramon, qui était veuf, décida sur le champ d’épouser la si merveilleuse et admirable jeune femme ; au grand dam de l’infortuné Guillem qui comprit alors que, lorsqu’un trésor se découvre, mieux vaut ne pas le crier sur les toits.
Ce mariage, qui brisa les cœurs de Saurimonda et Guillem, fit malencontreusement renaître les sentiments que la douce Margarida nourissait envers le beau chevalier. Mais l’amour qui unissait Saurimonda et Guillem était si ardent, la passion si profonde, que les jeunes gens ne purent éteindre la flamme qui les consumait.
Margarida, bafouée, jalouse et malheureuse, narra au mari trompé son infortune. Fou de rage, le comte fit tuer son rival et demanda qu’on lui en apportât la tête et le cœur. Alors, dans la plus grande discrétion, l’infâme fit cuisiner le cœur du chevalier Guillem avec du poivre et de la cannelle. Sans rien en dire, il fit servir ce plat à Saurimonda qui déclara n’avoir jamais mangé de mets aussi savoureux.
Aussitôt, le comte perfide raconta la vérité à son épouse et, pour en accréditer le récit, lui fit présenter la tête tranchée du preux chevalier. Folle de douleur, Saurimonda courut se précipiter du haut du donjon.
Instruit du crime, le comte de Barcelone, roi d’Aragon, suzerain du comte de Château-Roussillon, fit emprisonner le sinistre Ramon, confisqua ses biens et décréta :
Un catalan ne peut se dire amoureux s'il n'est pas passé par la fontaine de Saurimonda
La fontaine de Saurimonda
Au cœur du village, sur la place des souvenirs d’enfance
Une fontaine dédiée à cette légende a été inaugurée en 2013. Une plaque commémorative, traduite en français et catalan, raconte cette légende du cœur mangé. Dans un premier temps mise en eau, elle présente désormais un bassin végétalisé.